28 octobre 2005
Ceux que l'on met au monde.
Linda Lemay, 1999
Ceux que l'on met au monde
ne nous appartiennent pas.
C'est ce que l'on nous montre
et c'est ce que l'on croit.
Ils ont une vie à vivre
on n'peut pas dessiner
les chemins qu'ils vont suivre,
ils devront décider.
C'est une belle histoire
que cette indépendance,
une fois passés les boires
et la petite enfance,
qu'il ne faille rien nouer
qu'on ne puisse pas défaire
que des nœuds pas serrés
des boucles, si l'on préfère.
Ceux que l'on aide à naître
ne nous appartiennent pas,
ils sont ce qu'ils veulent être
qu'on en soit fière ou pas.
C'est ce que l'on nous dit,
c'est ce qui est écrit
la bonne philosophie
la grande psychologie.
Et voila que tu nais
et que t'es pas normal
t'es dodu, t'es parfait
le problème est mental.
Et voilà que c'est pas vrai
que tu vas faire ton chemin,
car t'arrêteras jamais
de n'être qu'un gamin.
Tu fais tes premiers pas,
on se laisse émouvoir,
mais les pas que tu feras
ne te mèneront nulle part.
Qui es-tu si t'es pas
un adulte en devenir ? {...}
C'est pas c'qu'on m'avait dit,
j'étais pas préparée...
t'es à moi pour la vie
le Bon Dieu s'est trompé
et y a le diable qui rit
dans sa barbe de feu
et puis qui me punit
d'l'avoir prié, un peu,
pour que tu m'appartiennes
à la vie, à la mort. {...}
Il t'a jeté un sort :
t'es mon enfant d'amour,
t'es mon enfant spécial,
un enfant pour toujours,
un cadeau des étoiles,
un enfant à jamais,
un enfant anormal.
C'est ce que j'espèrais,
alors pourquoi j'ai mal ?
J'aurais pas réussi
à me détacher de toi...
Le destin est gentil
tu n'e t'en iras pas,
t'auras pas dix huit ans, {...}
t'auras besoin de moi
mon éternel enfant {...}.
Ta jeunesse me suivra
jusque dans ma vieillesse.
Ton docteur a dit ça,
c'était comme une promesse !
Moi qui avais tellement peur
de te voir m'échapper,
voilà que ton petit cœur
me jure fidélité !
Toute ma vie durant
j'conserverai mes droits,
mes tâches de maman
et tu m'appartiendras.
Ceux que l'on met au monde
ne nous appartiennent pas. {...}
C'est une belle histoire
que cette histoire-là...
Mais voilà que - surprise ! -
mon enfant m'appartient !
Tu te fous de ce que disent
les auteurs des bouquins :
t'arrives et tu m'adores
et tu me fais confiance
de tout ton petit corps,
de toute ta différence.
J'serai pas là de passage
comme les autres parents,
qui font dans le mariage
le deuil de leur enfant.
J'aurai le privilège
de te border chaque soir,
et certains jours de neige
de te mettre ton foulard,
à l'âge où d'autres n'ont
que cette visite rare,
qui vient et qui repart
par soir de réveillon.
Tu seras le bâton
de ma vieillesse précoce
en même temps que le boulet
qui draînera mes forces.
Tu ne connais que moi
et ton ami Pierrot
que je te décris tout bas
quand tu vas faire dodo
et tu prends pour acquis
que je serais toujours là
pour t'apprendre cette vie
que tu n'apprendras pas
car ta vie s'est figée,
mais la mienne passera.
J'me surprends à souhaiter
que tu trépasses avant moi...
On ne peut pas t'admirer
autant que je t'admire,
moi qui ai la fierté
de te voir m'appartenir.
J'voudrais pas qu'on t'insulte {...}
parce qu'on t'connaîtrait pas.
Si le diable s'arrange
pour que tu me survives,
que Dieu me change en ange
que je puisse te suivre !
Ceux que l'on met au monde
ne nous appartiennent pas,
à moins de mettre au monde
un enfant comme toi.
C'est une belle histoire
que celle qui est la nôtre,
pourtant je donnerais ma vie
pour que tu sois comme les autres...
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